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Numéro 16 - rive et dérives - mai 2009

dr Madeleine Marchi, enseignante, docteure en Littérature médievale

La promesse, une question d'honneur

Promettre quelque chose à quelqu'un consiste à s'engager vis-à-vis d'autrui et la difficulté de l'acte réside dans sa durée. 


" Faire une promesse "est banalisé parce que l'on oublie souvent cette notion d'engagement au profit de paroles en l'air prononcées à la légère et vite oubliées. Mais promettre est un verbe qui s'exécute en deux temps : après " faire " il faut " tenir sa promesse " et le changement de déterminant est à cet égard significatif : le " un " vague et indéterminé devient le possessif " sa " qui implique définitivement celui qui a parlé. En ce sens, la promesse n'a que la valeur que lui accorde celui qui la formule. Comme la parole donnée, elle engage son honneur et fonde l'estime de soi. D'où la nécessité de ne pas promettre inconsidérément. Rousseau remarquait que " la personne la plus hésitante à faire une promesse est celle qui la respectera avec le plus de foi ". Faire une promesse implique une réflexion préalable qui garantira que l'on se sait capable de tenir ce que l'on a promis. Promettre dépend donc de l'idée que l'on se fait de soi même : sommes-nous ou non des êtres dignes de foi et du respect d'autrui ?   

Car promettre implique que l'on ait suffisamment de considération pour autrui afin de ne pas le leurrer. Lorsque l'on fait une promesse à quelqu'un, c'est dans le désir altruiste de l'aider, de lui rendre service. De ce fait, l'autre est en situation d'attente, d'espoir et cette dépendance nous interdit de le décevoir. Désirer aider son prochain en lui promettant ce dont il a besoin, matériellement ou moralement, n'implique aucun sentiment de supériorité. Au contraire, la notion essentielle est celle d'entraide puisque celui qui promet aujourd'hui peut devenir celui qui aura besoin demain d'autrui. Même si la promesse entraîne une réaction de reconnaissance de la part de l'autre, elle n'implique pas une relation dominant/dominé mais une relation de respect réciproque dans une perspective altruiste ; les rôles peuvent se trouver inversés. Cela peut parfois conduire à refuser une promesse que l'on se sait incapable d'honorer.

L'autre problème est de se croire capable de tenir une promesse au moment où on la fait mais le temps nous révèle une autre réalité. Ce type de comportement concerne des promesses qui ne régissent pas les rapports sociaux mais des liens intimes et privés. Il est facile (ou en tout cas envisageable) de jurer fidélité et amour à vingt ans sous l'emprise de sentiments passionnés qui conduisent à une promesse d'autant plus sacrée qu'elle est prononcée devant Dieu et qu'elle engage le présent, l'avenir parfois l'éternité. Ceux qui le font sont généralement sincères et pleins de foi en eux-mêmes et en l'autre. Mais le temps modifie les êtres et les sentiments. Diderot trouvait ce genre de promesse humainement intenable et l'on peut se demander si ce n'est pas une forme d'orgueil de se croire capable de s'y tenir. On peut engager son présent, voire son avenir immédiat, mais est-il possible de le faire pour vingt ans ou trente ans ? N'est-ce pas se tromper et tromper l'autre avec la meilleure bonne foi du monde? N'est-ce pas trop demander à un être humain forcément limité

Ne pas faire des promesses qui ne peuvent être tenues est une attitude responsable qui se fonde sur une auto-évaluation raisonnable de ses capacités et sur le respect d'autrui que l'on ne veut pas décevoir. Rien n'est pire que d'avoir cru en quelqu'un qui se révèle incapable d'honorer sa promesse. Tout le monde a été confronté, à un degré plus ou moins grave, à ce type de déception et chacun sait combien cela peut blesser, rendre amer ou désabusé envers l'être humain.

Dans le livre bouleversant La promesse de l'aube, Romain Gary constate que " la vie nous a fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais " (1). A nous d'en tirer les conséquences et de nous montrer capables de tenir au moins nos promesses les plus modestes.

  (1) Gary (Romain), La promesse de l'aube, Gallimard, Paris, 1960.



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