← RetourNuméro 16 - rive académique - mai 2009
dr Eve-Marie Halba, secrétaire générale de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv
Promesse de mariage
Promettre est issu du latin pro-mittere " faire aller en avant " c'est un pari que l'on prend pour un futur qu'on voudra " garantir " de sa parole. Sous sa forme pronominale, se promettre à est synonyme de " faire le vœu de " et se promettrede signifie " se faire une promesse mutuelle ". Le verbe avait initialement le sens de " prédire " mais l'emploi figuré d' "assurer " a finalement prévalu sur tout autre.
Promesse tiré de promissa (1) est au sens premier " l'action de s'engager sur quelque chose ". Par métonymie, le mot a alors signifié " engagement ainsi contracté ", en concurrence avec promission qu'il remplacera dans cet usage. Par extension, la promesse est " une assurance ou espérance que semble donner une chose, un événement ". Le sens d' "annonce d'un fait à venir " n'a pas perduré et a été supplanté par prédiction.
Pour les juristes, la promesse est " une manifestation unilatérale de volonté produisant un effet de droit sur un tiers " (2). Elle repose sur la fidélité de la parole donnée par le prometteur, la confiance de celui qui la reçoit et des bonnes conditions de sa réalisation. En effet, la promesse est une conception purement intellectuelle qui consiste à se projeter dans un avenir dont nul n'est jamais sûr. D'autre part, comme elle prend pour base la bonne foi de celui qui promet, la réalisation de cette promesse repose sur lui seul (3).
La part de risque est patente dans la promesse (4). La société a tenté d'y remédier en imaginant le serment qui ajoute la précaution de prendre Dieu à témoin et joue ainsi sur la crainte superstitieuse d'une éventuelle vengeance en cas de parjure. Le contrat est le seul moyen de partager les risques entre les deux parties, contraintes d'accorder leur volonté. Ce pacte permet d'éviter le bon vouloir d'un seul mais joue avec la subjectivité des deux contractants. La loi de 1901, qui fonde le statut associatif, s'intitule précisément " contrat d'association " et intègre cette idée de volonté partagée pour développer un projet commun.
Promesse de mariage et contrat de mariage illustrent bien la spécificité de chaque notion Les deux engagements sont comparables : les promis (5) ou fiancés se promettent l'un à l'autre, les mariés échangent leur consentement devant des témoins. Ils peuvent rompre aux deux stades de cette union envisagée comme virtuelle, puis réalisée et officialisé par le mariage civil depuis 1792. La bague de fiançailles est le symbole de la promesse et l'alliance celui du mariage. Le livret de famille invite ensuite les conjoints à devenir parents le jour de la cérémonie. Pourtant la parole donnée n'est-elle pas du même ordre pour les promis ou les mariés ?
On ne badine pas avec l'amour (6) exploite avec finesse cette question. Perdican et Camille sont cousins. Ils sont promis l'un à l'autre depuis leur plus tendre enfance. Quand ils se revoient, dix ans plus tard, le père prépare leur mariage sans se douter que les jeunes gens vont se perdre dans de fausses promesses. Camille, idéaliste de l'amour, prétend se jouer des sentiments de Perdican en lui préférant Dieu. Perdican, amoureux éconduit, se venge en promettant le mariage à une petite paysanne, Rosette. Finalement, les deux cousins s'avouent leur amour : la parole vraie surgit et provoquera un drame, la mort de Rosette. L'entrelac des promesses de ce drame révèle l'essence de la parole donnée. Un coup de tête, un dépit, une vengeance ne peuvent en être le socle. Une vraie promesse engage la foi et la vie de deux personnes, tout badinage si innocent soit-il peut avoir des conséquences fatales.
Le bénévolat est comme une promesse de mariage. L'association et le bénévole peuvent entamer une belle histoire ou couper court si l'union s'avère incompatible. Cela permet une grande souplesse et offre aux nombreuses associations la possibilité de nouer plusieurs aventures. La volatilité bénévole est un risque pour qui badine avec le projet auquel il n'adhère pas, c'est un atout si elle permet de trouver la bonne union.
(1) C'est le neutre pluriel du participe passé du verbe latin.
(2) V° promesse/serment article rédigé par E Desmons in Dictionnaire de culture juridique, dir. D Alland et S. Rials, Lamy-PUF, Paris, 2003.
(3) Pour Hegel, la promesse qui vaut pour le futur est une " détermination subjective de mon vouloir que je peux encore changer ".
(4) Voir les expressions promesse de marin ou promesse de gascon qui signalent d'emblée le peu de foi que l'on peut accorder au prometteur.
(5) Par un curieux jeu étymologique, promis est attesté au masculin en 1538 et au féminin en 1752. C'est sans doute l'usage du pluriel qui explique ce décalage sensible.
(6) Drame romantique de Musset publié en 1834
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