Il existe de bonnes différences. Ce sont les disparités indispensables à l'espèce humaine qui servent à bâtir nos sociétés. Le besoin que nous avons les uns des autres les transforme en complémentarités. Grâce à elles se réalise ce que l'homme ne peut faire tout seul.
Il y a d'abord cette différence de personne à personne, cette dualité pourrions-nous dire, qui caractérise l'échange entre deux êtres. Elle est essentielle, car c'est elle qui nous identifie et définit nos rapports à autrui. Chacun possède un caractère, constituant ainsi son honneur, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire " les choses à défendre et sa fierté ". Certains cultivent cette spécificité avec raison, car leur manière de vivre ne fait que présenter, soutenir et finalement protéger leur manière d'être. La faiblesse se fait force.
Cette spécificité est propre à chacun. Si une caractéristique change, toute la personne change tout comme son comportement et ses relations. Aristote affirmait que " l'individu se dit de multiples manières " (son nom, sa situation, sa profession, etc…). Il précisait que l'éthique pouvait malheureusement changer selon les circonstances. En conséquence, la connaissance quotidienne de ses proches ne peut relever que d'une observation attentive et objective sans préférence pour quiconque.
Et puis, il y a cette diversité d'ordre général. Elle concerne toute société. Dans la famille, ce sont les rôles attribués au père, à la mère et aux enfants. Dans une entreprise, ce sont les rapports entre la direction et les employés ou le directeur des ressources humaines. Dans le bénévolat, ce sont les positions des bénévoles, des donateurs et celle des bénéficiaires. On constate que l'identité de chacun est capitale, constitue une complémentarité indispensable, et non pas une opposition. Aussi parlera-t-on beaucoup plus de devoirs et d'obligations que de droits. Rappelons cette phrase de Antoine de Saint-Exupéry : " une civilisation repose sur ce qui est exigé des hommes, et non sur ce qui leur est fourni ".
Pour bien comprendre toutes ces différences, peut-être faut-il observer les ermites. Ces Pères de l'Eglise, esseulés dans le désert de Thébaïde en Egypte, ne recherchaient pas la compagnie des hommes, mais celle de l'Absolu. Ils avaient compris que les différences humaines comptent pour peu, et que, paradoxalement, un principe unificateur explique ces différences. Cette recherche de la Sagesse, que les Anciens nommaient " philosophie ", est une alliance d'intelligence et de volonté. Elle comprend tout, résout tout, et redresse ce qui est tordu. Universelle, elle ne dépend pas de certains, mais de chacun. Les équations mathématiques de la science expérimentale ne résolvent pas tous les problèmes.
Mélangées les unes aux autres, bonnes et mauvaises différences sont parfois peu aisées à distinguer. Les bonnes sont brèves et fragiles, elles doivent être l'objet de tous nos soins. Les mauvaises nous empêchent de vivre ensemble. Leur origine est parfois difficile à établir. Parfois inévitables et toujours regrettables, elles engendrent des conflits quand elles portent atteinte à cette identité personnelle en cherchant à aplanir les différences de chacun.
Cet ensemble de bonnes et mauvaises différences compose avec plus ou moins de bonheur toute vie en société. Nous sommes donc obligés de réfléchir sans cesse à cette complexité des relations humaines dans le but de simplifier, voire de supprimer certaines différences et d'en développer d'autres. En cette période de Nouvel An, nous pouvons méditer sur les personnages de la Crèche. Le rôle de chacun est parfaitement défini, d'où la justesse de leur position respective. L'effacement des Rois Mages devant l'Enfant-Jésus qui incarne la vie donne l'idée de cette société idéale où tout homme peut se reconnaître.