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Numéro 8 - rive de l'invité - septembre 2006

Laurent Eliaszewicz, chargé de mission à la Direction générale de l'ANPE, Equipe Placement international

Fable des Deux Pigeons, mobilité et transmission

En cette année 2006,déclarée par la Commission européenne " Année de la Mobilité des Travailleurs ", l'occasion est belle de nous arrêter sur la riche notion de mobilité transnationale et de la confronter à celle de transmission.   


Evoquons les mannes sacrées d'un immortel poète, Jean de la Fontaine pour mesurer une notion à l'aune de l'autre. Dans les Deux pigeons, le fabuliste concentre tous les thèmes importants de la mobilité. Nous n'aborderons pas l'idée du départ, largement traitée dans cette oeuvre, pour nous attarder sur celle du retour.   

Rappelons l'intrigue : deux pigeons s'aiment d'amour tendre mais l'un d'eux veut tenter la grande aventure. Son compagnon essaie de l'en dissuader, attirant son attention sur les dangers du voyage mais " le désir de voir et l'humeur inquiète l'emportèrent enfin ". Alors, notre pigeon voyageur argumente pour convaincre son acolyte des bienfaits du départ :   Il dit : " Ne pleurez point ;/ Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ; Je reviendrai dans peu conter de point en point/ Mes aventures à mon frère ; Je le désennuierai. Quiconque ne voit guère/ N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint Vous sera d'un plaisir extrême./ Je dirai : " J'étais là ; telle chose m'avint ; " Vous y croirez être vous-même. "   

Que nous enseigne cette fable sur la transmission ? Plaçons-nous sur un plan professionnel et relevons deux idées essentielles de ces quelques vers.   

Le voyageur veut " désennuyer " son compagnon, mais était-il en proie à l'ennui et compte-t-il entendre son récit ? Soulignons ici le hiatus entre la vision qu'un expatrié peut avoir de son parcours à l'étranger et la manière dont un employeur potentiel peut le prendre en compte. Au tapis rouge que la France est supposée dérouler devant l'expatrié se heurte souvent la suspicion sur ce même parcours, la perception des employeurs -notamment français- étant rarement celle de l'expatrié. D'où une incompréhension certaine. La transmission ne peut être l'imposition d'un schéma mental à l'autre, pas plus qu'elle ne peut être sublimée à l'excès.   

" Se croire lui-même " à l'étranger, telle devrait être la sensation du pigeon casanier grâce au récit du voyageur. Ce dernier est bien optimiste car s'il est parti, l'autre est resté : comment celui-ci pourrait-il vivre l'aventure de celui-là par procuration ? C'est l'une des clés importantes pour que le voyage, surtout s'il est long, soit optimisé dans le parcours professionnel : rentrer dans son pays ne signifie pas forcément rentrer chez soi. Ainsi, la transmission n'implique aucunement ipso facto la totale empathie de l'autre : chacun a évolué parallèlement.   

Transmission et mobilité se complèteront donc avantageusement à condition de préparer le retour. L'accompagnement repose dès lors sur un impératif : identifier, valoriser et adapter l'acquis de l'étranger selon les normes du marché local. L'enrichissement mutuel des deux acteurs serait une situation idéale. En pratique, l'expatrié doit se réadapter à son pays comme s'il s'agissait d'une terre étrangère. Cette problématique se retrouve d'ailleurs pour toute personne qui évolue dans des contextes dits " atypiques " par rapport à un parcours classique, tels que les bénévoles ou les sportifs de haut niveau.   

Public étranger au marché du travail ou ayant évolué sur le marché du travail étranger, il est nécessaire de reconnaître ses acquis particuliers. L'ANPE et l'IRIV, avec des représentants du monde sportif, associatif et des expatriés ont initié le projet MITEC. Cette réflexion sur la Mobilité Intersectorielle et Transnationale pour l'Egalité des Chances souhaite développer un accompagnement (fondé sur un outil de navigation professionnelle) pour permettre à ces publics hors norme de faire reconnaître leur expérience sur le marché du travail français. Alors est-il permis de penser que les pigeons voyageurs ne soient plus les dindons de la farce !      



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