← RetourNuméro 8 - rive éditoriale - septembre 2006
dr Bénédicte Halba, présidente fondatrice de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv
Agents de transmission
Les bénévoles sont les " sentinelles invisibles " (little platoons) dont parle Edmund Burke (1). Ils sont " avant même la Règle de droit, le fondement de toute vie sociale " (2). Témoins, passeurs, ils sont sensibles à tous les changements de la société. Ce sont aussi des agents de transmission.
La transmission peut se comprendre de différentes manières. Trois significations : hérédité, succession et communication s'appliquent au bénévolat. La première, l'hérédité, désigne le passage à la descendance. La transmission est aussi l'opération par laquelle une personne exerçant une autorité transfère ses pouvoirs à son successeur. Dans l'art militaire, les transmissions constituent l'ensemble des moyens techniques destinés à relier les troupes aux états-majors.
La transmission est principalement la manière dont les bénévoles communiquent. Ils transmettent un savoir, un savoir-faire et un savoir-être.
Un savoir d'abord, celui du domaine dans lequel les bénévoles interviennent. Les exemples sont nombreux dans toutes les associations de défense des droits (au logement, à l'éducation, à la liberté de la presse…) où l'engagement est militant. Dans les associations de défense de l'environnement, les bénévoles sont de véritables experts des droits environnementaux, souvent appris sur le terrain ou par des recherches personnelles. Ils transmettent leur savoir aux adhérents, aux autres bénévoles mais aussi à l'opinion publique.
Le savoir-faire est spécifique à chaque bénévole et chaque association. Il dépend du champ d'action mais aussi de la fonction exercée dans la structure. Encadrer des jeunes pour une activité sportive exige de la pédagogie et une parfaite connaissance de la discipline. Exercer les fonctions de président nécessite de savoir diriger, déléguer, incarner le projet de l'association. Ces savoir-faire se transmettent au sein de l'association, de bénévole à bénévole, qui apprennent en faisant.
Le savoir-être enfin est lié à l'histoire, à la culture de l'association, un esprit auquel adhèrent les bénévoles. De manière générale, le bénévolat développe un savoir-être particulier : être utile aux autres, défendre une cause en agissant, rencontrer des gens d'horizons variés. On ne s'engage pas par hasard chez Emmaüs, ATD-Quart-monde ou les Petits frères des pauvres. Ces mouvements associatifs ont une charte d'adhésion qui développe une éthique spécifique. Cet esprit est parfois tellement fort qu'il guide encore les bénévoles après qu'ils ont quitté l'organisation.
Le deuxième sens de la transmission est lié à la succession. Le turn-over associatif est important. Les bénévoles s'engagent en moyenne trois à cinq ans. Lorsqu'ils partent, il est essentiel qu'ils fassent avec l'association le bilan de leur action pour " passer le relais ". Qu'ont-ils accompli ? Les résultats ne se mesurent pas forcément aux nombres d'années. Le passage, même de quelques mois, d'un bénévole avec une forte personnalité peut être déterminant s'il a initié un projet, contribué activement à le monter ou à le réaliser. Les motivations qui ont présidé à l'engagement sont essentielles. La notion de service est également importante.
La notion d'hérédité est le troisième sens de la transmission qui concerne le bénévolat. Que transmet l'association ? Elle a développé des projets, construit des partenariats, apporté une nouvelle approche sur un enjeu de société. Les équipes successives héritent d'une manière de faire, d'un esprit, d'une culture qui sont en perpétuelle évolution... La transmission est liée à la personnalité des fondateurs et des successeurs. Certains héritiers, les " légitimistes ", sont partisans de conserver intact l'esprit originel de l'association. D'autres, les " frondeurs ", veulent au contraire lui donner un nouveau souffle. S'ils ne peuvent infléchir le projet initial, ils fondent une autre association. La transmission se fait alors par sécession.
Transmettre est le moteur de l'engagement bénévole. Chaque bénévole apporte une contribution différente, originale, au projet associatif. L'association s'enrichit de ces apports successifs qui constituent son patrimoine. Même une sécession est une autre manière de prolonger son action.
(1) Burke (Edmund), Réflexions sur la Révolution de France, Hachette, Paris, 2004.
(2) Malaurie (Philippe), " Réserves et réflexions ", in Quel statut pour le bénévole/volontaire ?, Iriv, Paris, 1998.
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