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Numéro 47 - rive experte - décembre 2024

M. Przemyslaw Czebiera, Expert-comptable et Commissaire aux comptes

Prévenir les « tempêtes » démocratiques par les associations – de Solidarność à MaMaMa en Pologne , les leçons du modèle français

Prévenir les « tempêtes » démocratiques par les associations – de Solidarność à MaMaMa en Pologne , les leçons du modèle français

La Pologne et d’autres pays européens peuvent envier à la France un indicateur rarement évoqué : l'engagement associatif. La France compte environ 1,5 million d'associations (1), soit près de 2 associations pour 10 habitants. En comparaison, la Pologne recense 130 000 organisations non gouvernementales (associations et fondations), dont 97 200 associations, ce qui équivaut à 2 associations pour 1 000 habitants. Ce tissu associatif, régi en France par la loi de 1901, ne renforce-t-il pas la démocratie? Bien que membre de l'Union européenne, la démocratie polonaise demeure fragile. L'arrivée au pouvoir du parti populiste nationaliste Droit et Justice (PiS) en 2015 a mis en évidence cette fragilité. Après les élections législatives d'octobre 2024, le nouveau Premier ministre, Donald Tusk, a compris que sans un tissu citoyen collectif fort, la Pologne resterait vulnérable. Dans sa déclaration de politique générale, il a affirmé : « Il m'importe énormément que le statut des organisations non gouvernementales et du volontariat soit le plus élevé possible. » (2)

Après la Seconde Guerre mondiale, adhérer à une organisation non subordonnée au Parti ouvrier unifié polonais (PZPR) était impossible. Bien que le régime encourageât l'activité citoyenne, cette participation était strictement contrôlée et orientée pour servir les intérêts de l'État plutôt que ceux du peuple. En 1949, la Commission principale de coordination des organisations citoyennes a conclu que la «dispersion des organisations facilitait l'activité des éléments hostiles et entraînait un gaspillage d'énergie sociale et de ressources financières» (3). La centralisation des associations s’est accrue, limitant le pluralisme et l'autonomie des initiatives citoyennes. Elle a transformé de nombreuses organisations en instruments de l'État, réduisant leur rôle à celui de relais des décisions gouvernementales. La mise en place en 2021 par la France du Contrat d'engagement républicain (CER) est louable, mais il est essentiel que toutes les parties prenantes veillent à ce qu'il ne devienne pas un simple relais des décisions gouvernementales.

Le parcours de la démocratie en Pologne, avec la genèse de Solidarność, met en lumière le caractère essentiel de la liberté d'association. Les Polonais bénéficient de leur « loi 1901 », la loi de 1989,  depuis 35 ans. Le modèle associatif français a fait ses preuves et la Pologne peut s'en inspirer. Qu'est-ce qui fait le succès du modèle français et qui n'est pas présent dans le modèle polonais ? Trois principaux éléments se distinguent : une facilité de création, une reconnaissance et un soutien de l'État tout en gardant son indépendance, et une agilité formelle.

Une association est une convention par laquelle au moins deux personnes mettent en commun leurs contributions (loi 1901). En Pologne, une association nécessite au moins trois membres, jusqu’à sept pour disposer d'une personnalité juridique. Une association polonaise peut être reconnue d'utilité publique, mais la notion d'intérêt général telle que connue en France n'existe pas. Il n'est donc pas possible de faire bénéficier les donateurs d'avantages fiscaux sans reconnaissance administrative préalable. Même avec cette reconnaissance, l'avantage fiscal est très limité ;  il ne concerne que les personnes physiques et est plafonné à 1 % de l'impôt dû.

Pour illustrer la force du cadre associatif français, prenons l'exemple de l'association MaMaMa, créée lors du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19. Afin de recevoir et distribuer plusieurs tonnes d'aide alimentaire aux personnes vulnérables, la cofondatrice de cette association, Magali Bragard, déclare en urgence sa création en ligne auprès de la préfecture dans la nuit du 6 mai 2020. La « tempête » de Covid, et un cadre législatif propice à l’engagement citoyen, donne naissance à cette association qui est devenue aujourd’hui un dispositif unique et sur mesure pour aider une population vulnérable (4).

Les Polonais souhaitent placer la Pologne « au centre de la scène européenne » afin de bâtir ensemble un avenir serein en Europe. Pour cela, les projets économiques et sociaux doivent contribuer au développement du tissu associatif et citoyen. Le parcours vers la démocratie de la Pologne depuis la création de Solidarność et, plus récemment, l'engagement auprès des Ukrainiens fuyant la guerre montrent que les Polonais veulent s'engager. La loi de 1901, le mécénat, la notion d’intérêt général, les fonds de dotation (inspirés du modèle anglo-saxon), et d'autres textes français constituent une richesse qui peut servir d'exemple à d'autres pays européens, notamment la Pologne en vue de mobiliser encore plus les citoyens engagés, des MaMaMa polonais pour consolider sa démocratie.

(1)https://associations.gouv.fr/la-france-associative-en-mouvement-2024.html#:~:text=Plus%20de%2073%20000%20associations,priv%C3%A9%20(8%2C9%25).
(2) https://www.gov.pl/web/premier/stenogram-expose-premiera-donalda-tuska dans son discours, Donald Tusk a également cité Monsieur Piotr Szczesny qui s’est immolé en 2017 pour protester contre la politique du gouvernement « Je proteste contre la centralisation excessive de l'État et les modifications législatives concernant les collectivités locales et les organisations non gouvernementales en fonction des besoins politiques immédiats du parti au pouvoir. »
(3) https://dzieje.pl/ksiazki/nie-tylko-partia-organizacje-spoleczne-w-polsce-ludowej-1944-1989-geneza-funkcjonowanie
(4) L'association MaMaMa illustre la puissance de la synergie entre l'engagement des bénévoles, le soutien des entreprises et l'appui des services de l'État. Elle a bénéficié du programme France Relance, mis en place lors de la pandémie, ainsi que d'autres dispositifs de soutien. Plusieurs mécènes et donateurs cofinancent l'association, tandis que les bénévoles jouent un rôle essentiel dans la distribution de l'aide



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