la revue électronique de l'Institut de Recherche et d'Information sur le Volontariat (iriv) - www.iriv.net
« La meilleure des universités est une collection de livres.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Ecosse, 1795 – Londres, 1881).
L'institut de recherche et d'information sur le volontariat - iriv (www.iriv.net)
est un Institut privé qui travaille sur le bénévolat et le volontariat & l’éducation et la formation tout
au long de la vie. Créée en 2004 par Bénédicte Halba et Eve-Marie Halba, présidente et
secrétaire générale de l'iriv, la revue propose une réflexion sur des thèmes aussi variés que l'expérience, la promesse,
la différence, ou les confins... avec des témoignages venus de France, d'Europe et du reste du Monde.
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« The greatest university of all is a collection of books.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Scotland, 1795 – London, 1881).
The institute for research and information on volunteering (www.iriv.net)
is a private institute specializing in the non-for-profit sector in Lifelong Learning (LLL). It has directed,
coordinated, and been involved in many European and national projects. Its electronic review, les rives de l'iriv - www.benevolat.net -
was created in 2004 by Bénédicte Halba and Eve-Marie Halba, president and general secretary of the Institute.
The review has published articles on topics as various as experience, promise, difference or borders with contributions from France,
Europe and worldwide.
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Fadila Bouhafs, Poétesse
Le soleil se couche, doucement, dans la lenteur des longues journées d’été, sur Djazaïr qui, peu à peu, s’apaise dans le souffle tiède de cette nuit. Nous sommes à la fin de la saison chaude.
C’est l’heure à laquelle les figuiers sortent de la torpeur de la journée, s’éveillent tout à fait et exhalent leur parfum qui se mêle à ceux du jasmin et du chèvrefeuille, si puissants, en une symbiose parfaite. Brûlés de soleil tout le jour, ils respirent la nuit, toute la nuit dans un enchantement de fragrances auquel nous assistons, les yeux fermés. Des épousailles fortes se tiennent, entre toutes les plantes, au mitan des nuits estivales, pour créer une senteur unique, inimitable, celle du pays.
La lune rouge, immense s’éveille, prend toute sa place au sein du firmament, du crépuscule jusqu’à l’aube, tout là-bas. Elle s’étend, pendant quelques instants suspendus, sur la ligne bleue, un ton plus doux, cependant, que celui de la mer qui se pare de mille diamants bruts, dans le mouvement perpétuel imprimé par la respiration de la terre. La lumière est étrange dans cette nuit du merveilleux mois d’août.
Au loin, Djazaïr dort, dans la paix des nuits d’été, depuis la nuit des temps, face à la fourmilière qu’elle a vu naître, croitre et s’étendre, bouchant ainsi son horizon familier, jadis fait de sable blanc au premier plan et de forêt dense sur les hauteurs. Le chant sublime des oiseaux en multitude se perd, désormais, dans le vacarme incessant de cette mégalopole africaine surpeuplée.
Ma petite main serrée dans celles, chaudes et rassurantes, de Geddé, à ma droite, Gedda, à ma gauche, celles, toujours douces, de Yemma, posées sur mes épaules, Yemma dont la respiration paisible rythme, depuis toujours, les battements de mon cœur ; celui-ci ne s’est affolé qu’à son départ. Pour le moment, nous admirons, le spectacle inédit de l’horizon qui fusionne avec le ciel de cette nuit éclairée d’une lune énorme, dans les volutes de la brume de mer qui pose un halo étrange sur le monde, comme un voile. Cela se passe au large, mais une loupe gigantesque nous offre un gros plan de cette féérie. Elle est si proche que je crois que je pourrais goûter la lune du bout de ma langue, mais comme cela s’avère impossible, je lui envoie un baiser d’enfant en lutte contre le sommeil. Un peu plus loin, assis sur une chaise, Vava fume une cigarette pour cacher son émotion, qui rejoint la mienne en plein cœur. La fumée bleue qui sort de sa bouche vient parler de son âme à la multitude de galaxies qui peuple le firmament qui nous observe. Nous sommes cinq, sur le balcon, reliés par ce fil d’horizon baigné dans la lumière opalescente et rougeoyante de la lune et des étoiles dans le ciel grandiose de l’Algérie. L’amour circule. Alors, nous avons la certitude que nous ne nous quitterons jamais, puisque nous avons Djazaïr, pour rêver ensemble et finir cette nuit de songes éveillés, blottis les uns contre les autres, baignés, quelques instants encore, dans le faisceau de cette lune prodigieuse.
Djazaïr, petit à petit, s'éveille, quelques instants avant le soleil, frotte ses yeux embrumés de sommeil, efface les rêves de félicité et d'abondance, mais surtout ceux d’une existence digne et libre, qui peuplent toutes ses nuits. Ceux-là constituent les rêves de l’humanité, depuis l'aube des temps.
Au petit matin, la lune est partie faire son tour de la terre. Le soleil en profite pour s’appuyer sur l’horizon, là où le ciel rejoint la mer dans une ligne parfaite et infinie. La fièvre, s'élève peu à peu et mord le monde tandis que les brumes du grand large, chargées d’embruns, charrie les fantômes des batailles du passé, des braves assassinés, ceux des naufragés d'aujourd'hui, les larmes et le sang, pour toujours, lavés dans le sel de la mer.
Je porte en moi, pour tout ce qui me reste encore à vivre, la lune rouge de la fin de l’été, à Alger. Les souvenirs sont fixés sur ma rétine, l'odeur du pays est bloquée dans mes narines, dans ma bouche subsiste le goût de l'enfance à jamais révolue et dans mon cœur, les absents se bousculent, pour toujours, dans un joyeux tumulte. Par cette nuit d’aujourd’hui au manteau de velours noir, épais, sans lune, me reviennent en mémoire les jours heureux qui ne reviendront plus.
Le ciel et la mer s’étreignent toujours, pourtant, s’embrassent sur l’horizon de Djazaïr, qui prend feu au couchant et donne au monde une lumière dorée, au levant, tandis que des diamants bruts dansent perpétuellement sur les flots.
Lève-toi. Recommence.
Va ton chemin tout tracé sur le fil d’horizon bleu de Djazaïr dans le ciel baigné de lune rouge.