la revue électronique de l'Institut de Recherche et d'Information sur le Volontariat (iriv) - www.iriv.net
« La meilleure des universités est une collection de livres.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Ecosse, 1795 – Londres, 1881).
L'institut de recherche et d'information sur le volontariat - iriv (www.iriv.net)
est un Institut privé qui travaille sur le bénévolat et le volontariat & l’éducation et la formation tout
au long de la vie. Créée en 2004 par Bénédicte Halba et Eve-Marie Halba, présidente et
secrétaire générale de l'iriv, la revue propose une réflexion sur des thèmes aussi variés que l'expérience, la promesse,
la différence, ou les confins... avec des témoignages venus de France, d'Europe et du reste du Monde.
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« The greatest university of all is a collection of books.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Scotland, 1795 – London, 1881).
The institute for research and information on volunteering (www.iriv.net)
is a private institute specializing in the non-for-profit sector in Lifelong Learning (LLL). It has directed,
coordinated, and been involved in many European and national projects. Its electronic review, les rives de l'iriv - www.benevolat.net -
was created in 2004 by Bénédicte Halba and Eve-Marie Halba, president and general secretary of the Institute.
The review has published articles on topics as various as experience, promise, difference or borders with contributions from France,
Europe and worldwide.
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Christiane Adjovi, Master en Sciences de l’Education (Université de Paris VIII) et Master en Sociologie et Anthropologie (Université de Cotonou)
« Résister à ce qui nous emprisonne, aux préjugés hâtifs, à l’envie de juger, à tout ce qui est mauvais en nous et ne demande qu’à s’exprimer, à l’envie d’abandonner, au besoin de se faire plaindre, au besoin de parler de soi au détriment de l’autre, aux modes, aux ambitions malsaines, au désarroi ambiant. Résister, et… sourire. »(1) Résister pour combattre des idées, des comportements, des attitudes. S’éduquer ou éduquer à pouvoir combattre, car peut-on combattre sans prendre conscience des enjeux du combat ?
L’éducation est en creux de la notion de résistance. Enseigner ou se former et s’éduquer, pour résister à tous les niveaux, à toutes les échelles et à tout moment. Tous les acteurs du système éducatif résistent chacun différemment. « Nous avons le devoir de résister : résister à notre échelle et partout où c’est possible, à tout ce qui humilie, assujettit et sépare. Pour transmettre ce qui grandit, libère et réunit ». Résister contre la bêtise, la manipulation, la désinformation. Résister pour savoir, savoir faire la part des choses et en avoir les moyens : intellectuels, financiers, matériels…
Le système résiste et doit se « flexibiliser » face aux différentes transformations et à de nombreuses injonctions. Les programmes changent souvent au gré des événements historiques si nombreux au cours des trente dernières années - l’organisation de l’examen le plus emblématique du cursus, le baccalauréat ou le cursus technique et professionnel (apprentissage ou stages). Ces changements nécessitent des réadaptions et des restructurations auxquelles les acteurs doivent s’adapter souvent avec très peu de moyens.
Les enseignants résistent lorsqu’ils sont contraints de suivre des formations inutiles sans lien avec leurs difficultés sur le terrain. Dans les régions REP +, elles sont imposées alors qu’elles sont en décalage avec leurs besoins et leurs demandes. Décidées sans concertation, elles sont rejetées car elles ne cadrent pas avec les besoins concrets et immédiats pour assurer l’inclusion et la progression de chacun des apprenants. Les projets se croisent avec beaucoup de ressources et d’énergie gaspillées et sans évaluation claire et objective de leurs bénéfices. La hiérarchie ne prend pas en considération les besoins du terrain. Les chefs d’établissement et les équipes résistent à des injonctions administratives souvent contradictoires.
Les enseignants résistent aussi en saisissant le tribunal administratif pour faire valoir leurs droits de fonctionnaire, par exemple une mutation (surtout quand elle est forcée). L’utilisation de méthodes et pédagogies dites alternatives (avec un coût élevé et un matériel adapté) suscite la méfiance car elles ne rentrent pas dans les « cadres » stricts de normes conventionnelles. Le système doit aussi résister à des attaques extérieures idéologiques, religieuses, etc. Enseigner l’éducation civique et morale ou la laïcité ou juste suivre le programme d’histoire peut se révéler difficile dans certains milieux (sur des sujets simples tels que l’égalité fille/garçon du point de vue des couleurs, des habitudes de jeux, des activités du quotidien etc.).
Les formateurs/enseignants doivent résister pour protéger leurs apprenants face au système ou entre eux ou confrontés à de nombreuses problématiques intérieures ou extérieures au système. Ils doivent parfois résister face à des conditions de travail difficiles, d’humiliation, de grande concurrence, comme pendant la période de covid (3) ou dans les milieux de grandes écoles. Certains « résistent à la norme scolaire » (4). La résistance peut avoir plusieurs facettes « celle de la possible émancipation, du refus de l’aliénation et de la domination, de la révolte et de l’affirmation de soi dans un monde d’épreuves marqué par les injustices » (4) Pour Christophe Helou « L’adhésion caractérise le fait de répondre presque totalement aux attentes socio-pédagogiques de l’enseignant. À l’opposé, la résistance est présente dans toutes les situations où l’élève manifeste, publiquement ou non, une certaine réticence pour y répondre »(5).
Dans les grandes écoles au système parfois décrié, ou dans des établissements de banlieue qui manquent de matériel pour travailler dans des conditions décentes (6), lutter pour ne pas abandonner les études après un drame personnel (la disparition d’un soutien moral et financier, la maladie etc.) fait aussi partie du quotidien d’étudiants qui résistent à leur manière.
La résistance n’est pas un vain mot dans de nombreux pays (en Amérique du Nord, en Asie ou en Europe comme en Grèce) où l’éducation est très mercantilisée : le manque de moyens ou de filières motivantes contraignent beaucoup de jeunes à s’endetter pour trouver des filières qui garantissent un emploi.
Enseigner la résistance pour une résilience ? Pour Karl Marx, il ne suffit pas de prendre conscience des problèmes, il faut transformer les choses. Que faire de la résistance ? Peut-on la transmettre pour que les apprenants la vivent, la sentent et l’expérimentent à leur tour ? Comment enseigner l’esprit de résistance ?
(1) Emma Dancourt dans le livre « Les enfants de la liberté » de Marc Lévy paru en 2007
(2)Philippe Meirieu , Professeur en sciences de l'éducation à l'université Lumière-Lyon 2 depuis 1985
(3) Beaucoup d’étudiants ont dû faire face à des conditions très difficiles voire dramatiques pendant le covid car beaucoup devaient travailler pour payer leurs études et les frais connexes. Les commerces tournaient au ralenti, les restaurants ne fonctionnaient plus, il n’y avait plus cours en présentiels. Ce fut une longue période de grande ténacité et de résilience pour de nombreux jeunes pour non seulement faire face aux besoins quotidiens mais aussi ne pas se démotiver pour les études. Combien d’étudiants ont dû faire face à des situations compliquées (au bord du suicide, de la dépression, rien à manger…)
(4) Louis LEVASSEUR & Arianne, ROBICHAUD, « L’envers de la résistance en éducation : émancipation, conservatisme et paradoxes », Éducation et sociétés, 2017/1 (n° 39), p. 85-99
(5) Christophe Hélou « Résister pour exister : le défi des élèves », Éducation et sociétés, vol. 25, no. 1, 2010, pp. 51-63.
(6) les enseignants de mon école en Seine Saint Denis ont dû se débrouiller pendant 3 mois sans photocopieuse