la revue électronique de l'Institut de Recherche et d'Information sur le Volontariat (iriv) - www.iriv.net
« La meilleure des universités est une collection de livres.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Ecosse, 1795 – Londres, 1881).
L'institut de recherche et d'information sur le volontariat - iriv (www.iriv.net)
est un Institut privé qui travaille sur le bénévolat et le volontariat & l’éducation et la formation tout
au long de la vie. Créée en 2004 par Bénédicte Halba et Eve-Marie Halba, présidente et
secrétaire générale de l'iriv, la revue propose une réflexion sur des thèmes aussi variés que l'expérience, la promesse,
la différence, ou les confins... avec des témoignages venus de France, d'Europe et du reste du Monde.
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« The greatest university of all is a collection of books.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Scotland, 1795 – London, 1881).
The institute for research and information on volunteering (www.iriv.net)
is a private institute specializing in the non-for-profit sector in Lifelong Learning (LLL). It has directed,
coordinated, and been involved in many European and national projects. Its electronic review, les rives de l'iriv - www.benevolat.net -
was created in 2004 by Bénédicte Halba and Eve-Marie Halba, president and general secretary of the Institute.
The review has published articles on topics as various as experience, promise, difference or borders with contributions from France,
Europe and worldwide.
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dr Bénédicte Halba, présidente fondatrice de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv
« L’amour est enfant de Bohême
Il n’a jamais connu de loi» (1)
« Gens du voyage » est la terminologie administrative pour désigner les « roms », « voyageurs » en Suisse et en Belgique, mais qui recouvre aussi des groupes itinérants non-roms. La plupart sont des citoyens français, sédentarisés, arrivés depuis le XVème siècle en Europe. Le premier problème est une question de définition. « Rom , au sens large, est un terme générique qui désigne les lointains descendants d’une population ayant quitté l’Inde du Nord il y a plus de mille ans et dont la langue, le romanès, est apparentée au hindi » (2).. La population originelle a éclaté en de multiples groupes, et « il n’y a plus grand-chose de commun entre les Manouches et les Gitans – installés en France et en Espagne depuis le début du XVe siècle –, les Tsiganes, arrivés de Roumanie après l’abolition de l’esclavage dans ce pays au milieu du XIXe siècle (pratique dont ils étaient les principales victimes), et les populations venues d’Europe orientale et des Balkans depuis l’éclatement des républiques socialistes, à la fin des années 1980 » (2).
Les « Roms migrants » comptent en France entre 15 000 à 20 000 personnes venues d’Europe Centrale et orientale (PECO), et des Balkans. Marcel Courthiade, chercheur à l’INALCO, précise « qu’il existe en Europe non seulement plusieurs dizaines de peuples géographiquement liés à des territoires (plus ou moins intriqués les uns dans les autres tout en restant en général assez compacts), mais encore une dizaine d'autres peuples qui ont en commun d'être répandus dans un grand nombre de zones où pratiquement nulle part ils ne constituent la majorité de la population » (3). Les termes employés - "gitans", "tsiganes", "manouches" n’évoquent pas la même chose : on parle de culture tzigane ou de jazz manouche, de manière positive. Le terme de « bohémiens », est équivoque. Il désignait d’abord les habitants de Bohême (4). Il était aussi utilisé pour parler d’artistes dont la « vie de Bohême », était synonyme d’une vie matérielle difficile mais libre. Le terme signifiait aussi des « membres de tribus vagabondes qu’on croyait originaires de Bohême », et plus particulièrement un « peuple nomade originaire d’Inde, établi en Europe orientale ». Les Bohémiens ont été les protagonistes de nombreuses chansons (5) ou d’histoires romanesques comme l’héroïne de Prosper Mérimée Carmen qui a inspiré l’Opéra le plus joué et le plus célèbre dans le monde (6). Mais la figure du « bohémien » ou de la « bohémienne » est aussi associée dans l’imagerie populaire à des diseuses de bonne aventure (7) ou à des voleurs de poule. Le terme est tombé en désuétude à cause de sa connotation péjorative.
La confusion des termes n’est jamais innocente. Au-delà de l’ignorance qu’elle implique, elle peut aussi être utilisée à dessein pour susciter une crainte diffuse et réveiller des peurs ancestrales. Quel que soit le terme utilisé, la communauté Rom a toujours été la cible privilégiée des nationalismes, et d’une xénophobie particulière - la « romophobie ». Pendant la seconde guerre mondiale, 500 000 Roms et Sintés ont été assassinés par le nazisme lors du Porajmos (génocide tsigane ou encore holocauste rom). Selon Aidan McGarry (8) «Les Roms sont l'un des groupes les plus marginalisés et les plus persécutés en Europe, et les attitudes anti-Roms sont en hausse. Dans de nombreuses sociétés, il est parfaitement acceptable de les dénigrer en invoquant des traits et caractéristiques négatives que tous les Roms sont censés posséder (criminalité, délinquance, mode de vie parasitaire…). Il ajoute que « tous les actes de violence généralisée et le traitement déshumanisant des Roms (expulsion, déportation, assassinat, mise en esclavage…) ont été appuyés par des projets de construction nationale » (9). L’exclusion et la discrimination à l’encontre des Roms seraient donc un « sous-produit de la construction de l'État et de la nation », ce qui explique que la romophobie fasse «partie de la matrice du nationalisme européen » qui connaît une résurgence en Europe.
Cette xénophobie particulière relève d’un racisme ordinaire qui consiste à opposer un « nous »- les nationaux censés être ancrés dans un territoire, une histoire, un mythe d'origine, une langue et/ou une religion commune, aux « autres» - des minorités ou des « étrangers », nomades pour les Roms qui sont une menace supplémentaire, pusiqu'ils sont supposés n'avoir "ni foyer, ni racines fixes". Cette stratégie xénophobe consiste à créer un sentiment artificiel de solidarité entre les « nous » parés de toutes les vertus contre les « autres » affublés de toutes les tares. La situation sociale et économique très difficile de la communauté Rom serait la « preuve » de la menace réelle qu’elle constituerait pour la communauté nationale supposée homogène et solidaire, une illusoire « solidarité des semblables ».
Face à cette discrimination particulière dont est l’objet la Communauté Rom, l’Union européenne a mis en place des actions spécifiques à partir de la fin des années 1990 avec la perspective de l’adhésion de pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO). Un rapport du Sénat (10) souligne qu’une plus grande attention a été portée à la question « compte tenu de la mobilité de ces populations et du caractère transnational des difficultés qu’elles soulevaient ». Les pays candidats s’engageaient en particulier à « faciliter l’intégration économique et sociale des populations Roms présentes sur leur territoire ». Des fonds spécifiques ont été prévus dans le cadre du programme PHARE; les fonds structurels (Fonds social européen, FEDER) ont également été mis à contribution. Dès 2007, l’Union européenne s’est engagée dans une réelle démarche en faveur des Roms avec l’«Année européenne de l’égalité des chances pour tous », qui a coïncidé avec l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’Union européenne - les deux pays européens où la communauté Rom était la plus nombreuse, et souvent en butte à l’hostilité de la population.
La devise de l’Union européenne « Unis dans la diversité » ; adoptée au début des années 2000, a correspondu à la période d’élaboration d’un dispositif anti-discrimination pour tous ses membres (11). La diversité n’est en effet pas comprise de la même manière selon que l’on évoque les nombreuses formes de régionalismes dont les Européens s’enorgueillissent (12) ou que l’on parle de minorités ethniques ou linguistiques qui font la richesse de l’Europe.
L’égalité des chances, principe fondamental de l’Union européenne, est pourtant la reconnaissance de toutes les diversités, sans exclusive ni hiérarchie ni préjugés.
« Si tu ne m'aimes pas, je t'aime
Si je t'aime prends garde à toi…» (1)
(1) « L’oiseau rebelle » écrite pour l’opéra « Carmen » de Bizet par Henri Meilhac et Ludovic Halévy (Paris, 1875)
(2) Laure Cailloce, « Qui sont vraiment les Roms de France », Paris : CNRS, 18/09/2017- https://lejournal.cnrs.fr/articles/qui-sont-vraiment-les-roms-de-france
(3) Marcel Courthiade (INALCO – Université de Paris & IRU – Communication . à la langue et aux droits linguistiques) , « Les Rroms dans le contexte des peuples européens sans territoire compact »- http://www.sivola.net/download/Peuples%20sans%20territoire%20compact.pdf
(4) Tchéquie actuelle en Europe centrale - Moravie et une partie de la Silésie en Pologne
(5) « Les Bohémiens » chanson des Compagnons de la Chanson (1966) ou de Catherine Ringer (2010)
(6) Opéra-comique , Georges Bizet, d'après la nouvelle « Carmen », de Prosper Mérimée (Paris : 1847)
(7) personnage de bohémienne joué au cinéma par l’actrice italienne Gina Lollobrigida –dans « Fanfan la Tulipe », Christian Jacques , 1952; ou Esmeralda dans « Notre Dame de Paris » , Jean Delannoy, 1956
(8) Aidan McGarry est l’auteur de « Romophobie: la dernière forme acceptable de racisme»- « Romaphobia: The Last Acceptable Racism, Londres : Zed Books Ltd, 2017
(9) Aidan McGarry, « Pourquoi les Roms subissent exclusion et discrimination », 28 mars 2019 - Source : http://www.slate.fr/story/175116/roms-romophobie-communaute-persecution-discrimination-europe
(10) Rapport du Sénateur Michel BILLOUT, au nom de la commission des affaires européennes (1) sur l’intégration des Roms : un défi pour l’Union européenne et ses États membres », Paris : Sénat, 6 décembre 2012- https://www.senat.fr/rap/r12-199/r12-1991.pdf
(11) Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de l’emploi, Bruxelles : JO CE, 12.2000, L 303/16-
(12) Une soixantaine de langues régionales et locales sont utilisées sur le territoire européen et parlées par 40 millions de personnes- https://www.touteleurope.eu/actualite/diversite-linguistique-en-europe-quelle-place-pour-l-anglais.html