L’Audace des réfugiés face à un droit d’asile pavé d’obstacles

Numéro 36 - rive géographique - mai 2019

Yazin Gunay, chargé de mission

Les gouvernements occidentaux continuent d’ériger des barrières contre les réfugiés. En France, un système compliqué a été conçu pour décourager et briser les demandeurs d’asile plutôt que de les protéger (1) Les institutions s’inscrivent dans une logique d’« économie morale » d’asile. Plus la procédure de demande d’asile est sélective, plus elle semble « méritée ».Le Royaume-Uni est aujourd’hui dirigé par l’initiatrice d’une politique d’« environnement hostile » envers les sans-papiers. Censée décourager la migration illégale, cette politique a des répercussions néfastes sur les citoyens après leur naturalisation (3). En Angleterre, le changement constant de politique d’asile et la mise en concurrence des travailleurs sociaux ont créé une atmosphère kafkaïenne pour les demandeurs d’asile (4).

Les pays plus proches des zones de conflit gardent leurs portes fermées. Les pays du Golfe ne sont pas signataires de la Convention relative au statut de réfugiés (5). Ils n’ont donc aucune obligation de recevoir des réfugiés. L’opacité de ces régimes empêche les observations des organisations internationales. Bien que l’Arabie Saoudite proclame accueillir « 500.000 frères et sœurs Syriennes », ces chiffres ne sont pas prouvés (6),. On ne connait pas non plus leur statut quand ils arrivent en Arabie Saoudite- s’ils sont venus avant ou après la guerre civile de 2011. Les pays du Golfe sont aussi critiqués à cause de la faiblesse de leurs contributions à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (7).

Huit ans après le début de la guerre civile (en 2011), la plupart des réfugiés issus du conflit en Syrie sont répartis dans trois pays - le Liban, la Turquie et la Jordanie. Le Liban accueille le plus grand nombre de réfugiés par personne. La Turquie accueille le plus de Syriens au monde avec plus de 3,6 millions de personnes selon le Haut Conseil des réfugiés des Nations Unies (8). L’avenir de ces réfugiés reste toujours flou. En Turquie, seuls les gens qui viennent d’Europe peuvent être considérés comme des réfugiés. Les Syriens bénéficient d’un statut de protection subsidiaire qui leur a été accordé en 2014. (9) Les tensions croissantes et la situation économique fragile provoquent des propos plus en plus hostiles envers l’accueil des Syriens. Binali Yildirim, ancien premier-ministre et candidat malheureux aux élections pour la mairie d’Istanbul de 2019 , a déclaré pendant sa campagne électorale que les Syriens seraient renvoyés dans leur pays « si c’était nécessaire » (10) .

Devenir un réfugié est un acte audacieux. Après la crise migratoire de 2015, tout le monde a appris les difficultés géographiques à surmonter pour arriver en Europe. De manière clandestine, des milliers de gens ont traversé plusieurs pays, des déserts et même la mer pour venir en Europe. La Méditerranée est le témoin d’une des plus grandes catastrophes humanitaires du vingt-et-unième siècle. La plupart des obstacles à ces flux migratoires ne sont pas géographiques mais politiques. Persister dans son projet migratoire face à tous les obstacles auxquels on doit faire face pendant le voyage nécessite du courage. Prendre la décision de partir, malgré les discours et les politiques contre la migration, est aussi une marque de courage.

Il faut de l’audace pour tendre la main aux réfugiés. Le Haut Conseil aux réfugiés des Nations Unies (UNHCR) publie des histoires d’accueil réussi sur son site. Par exemple, un article récent parle du village de Pessat-Villeneuve, dans la région auvergnate du Puy-de-Dôme qui accueille 60 réfugiés venant de pays africains. Hébergés dans le château local, ils apprennent le français. Partout en Europe et dans le monde entier, des gens continuent de montrer leur solidarité envers les réfugiés;- des travailleurs sociaux, des volontaires, des bénévoles, etc. Leur audace permet qu’ une autre vie soit possible pour des milliers de personnes contraintes de quitter leurs pays.

(1) Antoine Decourcelle, « Asile : administration de la preuve », Vacarme, n° 18, n^o 1, 2002, p. 120.

(2) Didier Fassin et Carolina Kobelinsky, « Comment on juge l’asile », Revue francaise de sociologie, Vol. 53, n^o 4, 19 Décembre 2012, p. 685.

(3) Jamie Grierson, « Hostile environment: anatomy of a policy disaster », The Guardian, 27 août 2018 https://www.theguardian.com/uk-news/2018/aug/27/hostile-environment-anatomy-of-a-policy-disaster

(4) Nick Gill, « Presentational State Power: Temporal and Spatial Influences over Asylum Sector Decisionmakers », Transactions of the Institute of British Geographers, vol. 34, n^o 2, 2009, p. 224.

(5) Facts & Figures: Syria refugee crisis & international resettlement, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2014/12/facts-figures-syria-refugee-crisis-international-resettlement/,

(6) Syria’s Refugees Feel More Welcome in Europe Than in the Gulf », Bloomberg Online, 4 septembre 2015, https://www.bloomberg.com/news/articles/2015-09-04/syria-s-refugees-feel-more-welcome-in-europe-than-in-the-gulf

(7) Syria’s Refugees Feel More Welcome in Europe Than in the Gulf », Bloomberg Online, 4 septembre 2015, https://www.bloomberg.com/news/articles/2015-09-04/syria-s-refugees-feel-more-welcome-in-europe-than-in-the-gulf

(8) Syria’s Refugees Feel More Welcome in Europe Than in the Gulf », Bloomberg Online, 4 septembre 2015, https://www.bloomberg.com/news/articles/2015-09-04/syria-s-refugees-feel-more-welcome-in-europe-than-in-the-gulf

(9) Murat Erdoğan, Türkiye’deki Suriyeliler - Toplumsal Kabul ve Uyum, İstanbul Bilgi Üniversitesi Yayınları, 2014, p. 19

(10) Binali Yıldırım: Suriyeli sığınmacıları gerekirse kulaklarından tutar göndeririz, https://t24.com.tr/haber/binali-yildirim-suriyeli-siginmacilari-gerekirse-kulaklarindan-tutar-gondeririz,814105,

(11) [1]United Nations High Commissioner for refugees, French village sets an example of how to welcome refugees, https://www.unhcr.org/news/stories/2019/1/5c49c0c24/french-village-sets-example-welcome-refugees.html,

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