la revue électronique de l'Institut de Recherche et d'Information sur le Volontariat (iriv) - www.iriv.net
« La meilleure des universités est une collection de livres.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Ecosse, 1795 – Londres, 1881).
L'institut de recherche et d'information sur le volontariat - iriv (www.iriv.net)
est un Institut privé qui travaille sur le bénévolat et le volontariat & l’éducation et la formation tout
au long de la vie. Créée en 2004 par Bénédicte Halba et Eve-Marie Halba, présidente et
secrétaire générale de l'iriv, la revue propose une réflexion sur des thèmes aussi variés que l'expérience, la promesse,
la différence, ou les confins... avec des témoignages venus de France, d'Europe et du reste du Monde.
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« The greatest university of all is a collection of books.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Scotland, 1795 – London, 1881).
The institute for research and information on volunteering (www.iriv.net)
is a private institute specializing in the non-for-profit sector in Lifelong Learning (LLL). It has directed,
coordinated, and been involved in many European and national projects. Its electronic review, les rives de l'iriv - www.benevolat.net -
was created in 2004 by Bénédicte Halba and Eve-Marie Halba, president and general secretary of the Institute.
The review has published articles on topics as various as experience, promise, difference or borders with contributions from France,
Europe and worldwide.
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dr Giovanna Campani, professeure d'Antrhopologie à l'Université de Florence (Italie)
Un ouvrage symbolise la Renaissance, du moins dans sa première période, le Quattrocento (Quatre cent) : le Printemps (Primavera) de Sandro Botticelli (1). Le renouveau de la nature y prend la forme de l`éclosion de la beauté et de la grâce - corps parfaits des femmes et du jeune homme, corps qui donnent la vie et corps hiératiques exprimant spiritualité. Botticelli passa presque toute sa vie à Florence où il fréquenta le cercle de Laurent de Médicis, descendant d`une famille de banquiers qui avait progressivement pris le pouvoir dans la ville, en transformant la Commune en une Seigneurie. Laurent était un homme politique habile, mais aussi un grand mécène des arts et un poète. Dans ses vers, il chanta la jeunesse et le plaisir, mais aussi la nostalgie du temps qui passe. Comme dans la vie la rose fane et le temps des amours passe, ainsi va des civilisations qui fleurissent et ensuite meurent…
Dans le cercle de Laurent, Sandro Botticelli connut les humanistes florentins, comme Pic de la Mirandole (2), qui voulait ressusciter la philosophie des Anciens, et fut attiré par leurs idées. Il écouta le poète Poliziano (3) chanter les amours d`un chasseur et d`une nymphe dans les Stances, (Stanze per la giostra) inspirées de la mythologie. Il admira la belle Simonetta Vespucci qui fut le modèle de sa Venus, dont la nudité parfaite - le sexe à peine caché par les magnifiques cheveux blonds cuivre- fut une révolution dans l`art de la peinture, auparavant consacrée aux Madones avec un bébé dans les bras ou Eve pécheresse, toute en souffrance et repentance… En ces temps de Renaissance, est-ce que Venus, déesse de l`amour, pouvait enfin réconcilier les hommes avec le désir et le plaisir ?
Du couvent de San Marco, à quelques centaines de mètres du Palais des Médicis, le moine dominicain Girolamo Savonarole (4) regardait avec dédain les manifestations artistiques, littéraires et philosophiques et la nouvelle manière de vivre, affichée par les classes dominantes florentines. Le goût du paganisme ne l`attirait point, ses études se concentraient sur la Bible et les Pères de l`Eglise. En prêchant l`austérité évangélique, Savonarole alla bien au de-là des recommandations morales. Il développa un projet politique, en faisant des appels au peuple contre la corruption morale des Médicis. Si l’Antiquité l`inspira, ce fut l`idée de la démocratie, une invention athénienne, qui n`avait nullement séduit les Médicis ou les notables florentins. En même temps, en faisant de la religion le centre de la bataille politique, le moine finit par la soustraire aux élites, qui l`avaient délaissée pour la philosophie, et par l`offrir au peuple comme une « rançon » sociale. La République de Florence- un croisement entre la démocratie populaire et la théocratie- vit le jour. Les Médicis furent chassés.
Dans la deuxième moitié de sa vie, Sandro Botticelli devint un adepte de Savonarole. Dans le bucher des vanités, organisé par ses partisans, les femmes élégantes de Florence sacrifièrent leurs belles robes, miroirs et cosmétiques. Les hommes repentis jetèrent dans le feu les livres de poètes jugés immoraux, comme ceux de Boccace (5) et de Pétrarque (6). Sandro Botticelli apporta ses magnifiques desseins de femmes nues et voluptueuses, et les brûla…
Sandro Botticelli et Girolamo Savonarole symbolisent la bataille entre les élites, politiques et intellectuelles, à la recherche d`un nouveau mode de vivre et de gouverner, et le peuple laissé pour compte, qui trouva une forme de rébellion dans le retour à l`austérité évangélique…Girolamo Savonarole fut pendu et brûlé sur la Place de la Seigneurie en 1498. Vingt ans après, Martin Luther (7) accrocha à la porte de la Cathédrale de Worms ses 95 thèses, à l`origine de la Réforme protestante.
Sandro Botticelli disparut en 1510. S`il brûla les desseins et tableaux qu`il jugeait scandaleux, la nudité de Venus devint une nouvelle icône de la féminité, reprise par des nombreux artistes. La beauté de l`art gagna, mais le monde que la Renaissance enfanta ne reproduisit nullement l’harmonie heureuse d`une antiquité rêvée. Il devint le lieu de violents conflits religieux et politiques, qui ravagèrent le continent.
Avec ses attaques contre les élites, Girolamo Savonarole serait aujourd'hui appelé populiste….Si l`histoire ne se répète pas, les élites de tous les pays devraient regarder les événements du passé…et réfléchir au fait que des modes de vie trop détachés du peuple peuvent le rendre sensible aux discours radicaux des prédicateurs et déclencher des réactions violentes et des replis identitaires.
(1) Sandro Boticelli, peintre italien (1445/1510)
(2) Jean Pic de la Mirandole, Comte de la Concordia, philosophe et théologien humaniste italien, (Mirandole, 1463 / Florence,1494 )
(3) Angelo Ambrogini dit « Poliziano » , humaniste italien (Montepulciano, 1454 / Florence , 1494)
(4) Savonarole, Girolamo Savonarola, frère dominicain, prédicateur et réformateur italien (Ferrare,1452 / Florence, 1498),
(5) Giovanni Boccaccio dit Boccace, écrivain florentin. (Certaldo, 1313/Certaldo, 1375), auteur du recueil de nouvelles « le Décaméron », considéré comme l'un des créateurs de la littérature italienne en prose
(6) Pétrarque- Francesco Petrarca, érudit, poète et humaniste florentin (Arezzo, 1304 /Arquà Petrarca, 1374), parmi les premiers grands auteurs de la littérature italienne
(7)Martin Luther, Martin Luther, frère augustin théologien, professeur d'université, initiateur du protestantisme (1483, Eisleben, Thuringe, Allemagne / 1546 , Eisleben)