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Numéro 25 - rive européenne - décembre 2013

Marta Guitart Sanchis, chargée de mission à l'iriv, Master en Sciences Politiques (Université de Barcelone) et en Sociologie (Université de Paris 7- Diderot)

Marea Granate, songes d'expatriés espagnols

Le naufrage d’un bateau qui transportait près de 500 migrants clandestins sur l’île de Lampedusa en Sicile, au début du mois d’octobre, a rappelé que l’immigration et le processus migratoire peut vite passer du  rêve au drame.

L’idée de « migration » est associée à l’espoir d’une amélioration de sa situation actuelle par un déplacement physique. Dans les pays du Sud, elle s’explique par les conditions très pénibles vécues par les populations : régimes non-démocratiques, situations de guerre, persécutions, famines, dégradations environnementales… Les pays du Nord offrent une vie meilleure que celle de son pays d’origine.

Dans les pays développés, comme ceux de l’Union Européenne, la crise économique est la principale raison qui explique la migration: on quitte son pays pour chercher un travail. Les pays les plus affectés par cette situation en Europe sont le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et l’Irlande. Ils ont été très touchés non seulement par les conséquences de la crise mais aussi, à un niveau politique, par les protestations de leur population dans les rues.

La raison principale de la migration des Espagnols est économique. Les dernières données du chômage (1) indiquent que le taux est de 26% pour la population dans son ensemble et de 56,6% pour les jeunes (2). Face à cette situation, la migration est une nécessité (3) et l’Union européenne une destination prioritaire, par la citoyenneté et la validation des diplômes qu’elle propose.

Cependant, la migration n’implique pas l’oubli de sa terre d’origine. Le  mouvement citoyen des jeunes expatriés songe, depuis l’extérieur, à un changement de l’intérieur, spécialement à un niveau politique, face à la détérioration de l’État et des services publics.

Un mouvement citoyen, à l’origine de jeunes Espagnols diplômés et expatriés, est en train de se constituer dans plusieurs pays d’Europe. Il symbolise un double songe : une installation réussie dans sa ville de destination ; un changement dans la vie politique de son pays. Les principaux pays destinataires des ressortissants espagnols en Europe, sont  la France, l’Allemagne et le Royaume Uni (4).

Ce mouvement, né entre février et avril 2013, s’est intitulé  « Marea Granate », Marée Grenat (5), pour rappeler la couleur des passeports espagnols en signe de reconnaissance. Il est né dans un climat de mobilisation citoyenne croissante, dans l’esprit du  mouvement des indignés du 15 Mai 2011, qui a été suivi par différentes « Marées Citoyennes » plus sectorielles (dans la santé, l’éducation, la recherche scientifique…).

Les membres du mouvement « Marée Grenat » ont comme point commun le fait de se définir comme un groupe de migrants, obligés de partir de leur pays face aux manques de perspectives sur le marché du travail, pour trouver un emploi qui corresponde à leurs études. Ils souhaitent depuis l’étranger, faire changer  la  politique menée par leur gouvernement en s’associant aux autres mouvements de protestation nationaux.

Le mouvement grenat partage un double rêve se rendre visibles depuis l’étranger pour contribuer à améliorer la situation actuelle de leur pays mais aussi pouvoir rentrer en Espagne et choisir eux-mêmes, sans être contraints par le manque de travail, d’entreprendre un parcours migratoire pour avoir de nouvelles opportunités à l’étranger. Ce rêve est encore un songe (6) mais ne demande qu’à se réaliser.

 

(1)     Le nombre réel des migrants est inconnu pour l’Espagne, car ces données sont collectées dans les registres des consulats, auxquels ne pas inscrits tous les ressortissants espagnols
(2)     troisième trimestre 2013- http://economia.elpais.com/economia/2013/10/24/empleo/1382612384_944615.html
(3)    deuxième trimestre 2013 - http://economia.elpais.com/economia/2013/07/01/agencias/1372670210_435232.html
(4)     Selon la Convention des Nations unies pour les Droits de l’homme, le « migrant de travail» (migrant worker) a fait son choix de partir librement, pour des raisons de «convenance personnelle » et sans l’intervention de facteurs externes contraignants (art. 1.1 a).
(5)     Sites d’intérêt :Nueva Ola (FACEEF) (Nouvelle Vague, Fédération des Associations et Centres d’Emigrés en France) : http://nuevaola.faceef.fr/ ; Marea Granate : http://mareagranate.org ; Manifeste Maré Grenat : http://mareagranate.org/?page_id=244
(6)     Une émission de télévision « El objectivo » diffusée sur la chaîne espagnole privée le 27 octobre 2013 “La Sexta” interrogeait des expatriés espagnols qui ont répondu qu’ils rentraient, pour l’instant en Espagne pour les vacances ou pour leur retraite mais pas pour la vie active.

 



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