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Numéro 25 - rive associative - décembre 2013

Camille Paillet, coordinatrice de projet de Développement à Couleurs d'avenir, diplômée de l'IEP de Grenoble

Songe d’éducation en Equateur

En 2008, une nouvelle constitution est adoptée par voie de référendum en Equateur, celle de la « Révolution Citoyenne ». Pour Rafael Correa, président de l’Equateur élu en 2006, elle est un outil destiné à construire un nouveau pays, « une patrie souveraine, digne, juste, sans misère, sans chômage, sans discrimination ». La même année, dans sa volonté de construire un pays moderne, il  fait ériger la première Unité éducative du millénaire (UEM), pour offrir à des centaines d’élèves du primaire et du secondaire une éducation de qualité, dans un pays où près 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le songe d’une éducation publique pour tous dans une nation naissante est né.

Selon le gouvernement, ces Unités Educatives du Millénaire sont des institutions publiques expérimentales fondées sur des concepts techniques, pédagogiques et administratifs novateurs. Elles symbolisent la politique éducative volontariste du gouvernement en proposant une nouvelle éducation publique, basée sur une excellence éducative, dans les zones défavorisées rurales ou semi-rurales du pays. Elles sont dotées de moyens impressionnants : enseignants diplômés, salles de classes équipées d’ordinateurs, de microscopes, d’instruments de musique, de tableaux électroniques,… (1)

En 2011, j’ai réalisé un stage de fin d’études à Quito, au sein de Grupo Faro, une ONG équatorienne qui développe des programmes d’évaluation et implémentation des politiques publiques, notamment éducatives via le programme Educiudadania. Celle-ci a installé son Observatoire Citoyen de l’Education de Turubamba, quartier pauvre et nouvellement urbain du Sud de la Ville, dans l’Unité Educative du Milénaire « Bicentenario », une des premières construites dans le pays. J’ai ainsi pu découvrir la réalité d’une UEM. L’Observatoire Citoyen de l’Education est chargé de l’organisation du circuit éducatif de Turubamba, un réseau constitué de 15 établissements scolaires de la zone (dont l’UEM), j’ai pu aussi découvrir la réalité des établissements scolaires de la zone.

Ce circuit éducatif vise à favoriser à Turubamba l’accès au système éducatif des enfants et adolescents de la zone et améliorer la qualité de l’enseignement en mutualisant les expériences de chacun. En fait, beaucoup des petites écoles de la zone manquent cruellement de moyens pour organiser l’éducation de leurs élèves : enseignants peu qualifiés,  nombre limité de tables et de chaises, de cahiers et de crayons, salles de classe de fortune parfois sans vitres... La réalité quotidienne contraste fortement avec la vision de l’UEM.

Loin du centre économique et des quartiers résidentiels, d’affaires ou touristiques de Quito, Turubamba est une zone semi-rurale pauvre située au Sud de la Ville. J’en garde une impression de désordre, de pauvreté et d'abandon: petites maisons en ciment sans revêtement pas toujours achevées, peu d’éclairages publics, transports en commun qui ne desservent pas tous les quartiers,... Cette zone récemment urbanisée de 60 000 habitants abrite une population d'immigrés venant des campagnes environnantes de Quito pour trouver du travail en ville. Au milieu de cette campagne qui s’urbanise, trône l’Unité Educative du Millénaire « Bicentenario », grande structure en béton de plusieurs centaines de mètres carré, entourée de grillage et gardée à l’entrée, avec ses élèves, sourire aux lèvres, revêtant fièrement leur uniforme bleu marine.

Si l’UEM attire, fait rêver et crée beaucoup d’espoir pour les habitants de la zone Turubamba, elle ne peut pas accueillir tous les enfants du quartier, seulement  une centaine d’élèves dont les parents ont pour certains attendu plusieurs années avant que puissent être inscrits leurs enfants, tant la liste d’attente est longue. Le rêve d’une éducation publique de qualité pour tous n’est donc pas tout à fait accessible à tous.

Certains équipements sont dotés d’une technologie que beaucoup de nos écoles en France ne possèdent  pas, notamment avec des tableaux électroniques. Cette technologie a le défaut de ne pas fonctionner les mois des pluies (2). La réalité climatique n’a pas été prise en compte. Une certaine vision de la modernité éducative inspirée de l’éducation dans les pays occidentaux semble avoir été importée artificiellement.

Avec ces UEM, il m’a semblé que la vision du développement par l’éducation avait été largement inspirée par une vision de la modernité en décalage avec la réalité du pays (climatique et sociale). Cette éducation « moderne » de qualité ne bénéficie qu’à une poignée d’enfants, les autres étudient dans des écoles aux moyens qui font parfois cruellement défaut. Une meilleure répartition des moyens (humains, économiques, technologiques, pédagogiques,…) entre les établissements de chaque zone défavorisée aurait peut-être permis de mieux démocratiser l’éducation, en construisant des établissements moins modernes mais plus adaptés aux nécessités locales. Mais ces établissements et ce système doivent avoir convaincu le plus grand nombre puisqu’en 2013 une vingtaine de nouvelles UEM est en construction dans tout l’Equateur.

 

(1)   Un confort moderne pour une éducation gratuite de qualité offerte Aujourd’hui, l’Equateur compte 24 UEM réparties dans 18 Provinces.
(2)   Les orages faisaient sauter l’électricité et que les fortes pluies inondaient parfois les salles des classes



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