la revue électronique de l'Institut de Recherche et d'Information sur le Volontariat (iriv) - www.iriv.net
« La meilleure des universités est une collection de livres.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Ecosse, 1795 – Londres, 1881).
L'institut de recherche et d'information sur le volontariat - iriv (www.iriv.net)
est un Institut privé qui travaille sur le bénévolat et le volontariat & l’éducation et la formation tout
au long de la vie. Créée en 2004 par Bénédicte Halba et Eve-Marie Halba, présidente et
secrétaire générale de l'iriv, la revue propose une réflexion sur des thèmes aussi variés que l'expérience, la promesse,
la différence, ou les confins... avec des témoignages venus de France, d'Europe et du reste du Monde.
Si vous souhaitez soumettre un article, cliquez ici.
« The greatest university of all is a collection of books.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Scotland, 1795 – London, 1881).
The institute for research and information on volunteering (www.iriv.net)
is a private institute specializing in the non-for-profit sector in Lifelong Learning (LLL). It has directed,
coordinated, and been involved in many European and national projects. Its electronic review, les rives de l'iriv - www.benevolat.net -
was created in 2004 by Bénédicte Halba and Eve-Marie Halba, president and general secretary of the Institute.
The review has published articles on topics as various as experience, promise, difference or borders with contributions from France,
Europe and worldwide.
If you wish to submit an article, click here.
Laurice Fox, étudiante en Master de Langues et Civilisation, Middlebury College (Vermont, Etats-Unis)
Pour connaître une autre culture en profondeur, il faut apprendre la langue. A dix ans, j'ai choisi de m'initier au français. J'ai eu le choix entre le français, l'espagnol et le latin. Le français eut ma préférence. La langue était difficile, mais j'ai eu le coup de foudre. Après onze ans d'apprentissage, j'ai enfin obtenu le Graal : devenir étudiante à l'Université de Bordeaux. Je me suis inscrite en Licence, option Sociologie et Français, dans le cadre d'un échange européen avec mon Collège.
Apprendre le français m'a permis de tester la théorie du "goût légitime" de Pierre Bourdieu, exposée dans son livre La distinction (3) où il évoque une "disposition esthétique" pour l'élégance. Pour moi, la France, dans son architecture, ses paysages et son style de vie l'incarnait.
Je regardai d'un œil "américain" cette France que je découvrais pour la première fois. Le contraste entre les systèmes universitaires des deux cultures m'a paru saisissant. Il existe en France une différence notable entre les étudiants inscrits dans les universités publiques et ceux des grandes écoles. Les uns semblent plus détachés, les autres sont très motivés.
Pourquoi les étudiants français sont-ils moins motivés à la faculté ? J'ai été surprise d'apprendre que l'inscription à l'université relevât d'une simple formalité pour les étudiants. En Amérique, la sélection à l'entrée est beaucoup plus difficile. En effet, les droits universitaires y sont très élevés (4) ce qui explique le grand stress des étudiants américains. La pression financière est si importante qu'ils ne peuvent pas se permettre de rater leurs examens. En France, les étudiants n'ont pas ce poids sur leurs épaules et peuvent appréhender leurs études avec plus de décontraction. C'est un point positif, mais cela a peut-être son revers : les enjeux sont moins grands et la stimulation moins forte.
A l'inverse, les étudiants des grandes écoles françaises m'ont paru très motivés. La procédure pour y accéder est exigeante et sélective, les candidats passent plusieurs années en classes préparatoires. Les droits d'entrée sont aussi supérieurs à ceux de l'Université (5). Le gouvernement français finance davantage les grandes écoles que les facultés (6) et soutient les étudiants les plus motivés dans leurs études. En effet, on considère que ces élèves contribueront à l'avenir économique du pays.
Le manque de motivation des étudiants des universités publiques ne vient pas d'un manque d'intérêt pour leurs études, au contraire. Mes camarades à Bordeaux étaient très sérieux. Le problème vient plutôt de l'encadrement, administratif et pédagogique. Certains professeurs sont vraiment concernés par leurs étudiants alors que d'autres semblent absents et leur enseignement peu stimulant. D'autre part, les travaux à rendre sont trop rares : ils sont pourtant nécessaires pour connaître ses difficultés et pouvoir s'améliorer.
Beaucoup d'étudiants de mon Collège américain ne sont restés qu'un semestre en France parce qu'ils ne se sentaient pas assez encadrés. J'ai tenté de les en dissuader en arguant du fait que l'apprentissage ne se faisait pas qu'à l'école. N'est-ce pas une chance pour un Américain de pouvoir s'immerger dans une autre culture, surtout la culture française ?
Mes amis français me suivront toute ma vie. Ils m'ont laissé des souvenirs merveilleux et m'ont fait partager leur "joie de vivre". Lors de nos repas, j'ai découvert une nourriture que l'on ne sert pas dans les restaurants. Les échanges avec leurs familles m'ont fait connaître d'autres facettes de la France. Ils m'ont rassurée : je pouvais être invitée et acceptée dans un pays différent du mien. Grâce à eux, j'ai appris à aimer la culture française, l'architecture (ces magnifiques immeubles bordelais du XVIIIème siècle), les rues stylisées comme la campagne, et bien sûr la cuisine et le vin.
Je caresse le rêve de m'installer un jour en France. Je songe à un avenir bien lointain, où je serais dans une petite maison donnant sur la Dordogne ou sur le bord de mer à Biarritz ou Bayonne. Cependant, pour l'instant, je regarde l'avenir en face et je m'interroge. Postulerais-je dans un collège ou une école secondaire française pour y enseigner l'anglais ? Aurais-je l'opportunité d'être l'"agent de liaison" entre une firme américaine et française ? J'espère que la France regardera d'un bon œil ce vœu cher à mon cœur.
(1) Fondé au XIXème siècle, Middlebury College est l'une des Universités américaines les plus réputées pour son enseignement artistique et son ouverture internationale. Ses étudiants passent plusieurs mois au cours de leur cursus dans un pays étranger - http://www.middlebury.edu
(2) L'article a été traduit par Bénédicte Halba qui a aussi rédigé les notes de bas de page.
(3) Bourdieu (Pierre) La Distinction: Critique Sociale du Jugement, Les éditions de Minuit, Paris, 1979
(4) Aux Etats-Unis, près des deux tiers des diplômés sont endettés après quatre ans d'études et la dette moyenne par étudiant s'élève à 23 000 dollars (16 500 €). Le montant peut monter jusqu'à 100 000 dollars (71 500 €) pour les diplômés de Master. En France, le montant des droits d'inscription pour 2011 est de 177 euros pour les diplômes conduisant au grade de licence, de 245 euros pour les diplômes conduisant au grade de master et de 372 euros pour une inscription en doctorat - http://www.service-public.fr/actualites/00313.html.
(5) La moyenne des frais de scolarité dans les écoles de commerce qui sont privées (HEC, Essec, Escp), est de 8000 € par an en 2011 selon la Conférence des grandes écoles. Les frais de scolarité des écoles d'ingénieurs, majoritairement publiques (Polytechnique, les Mines, les Ponts), varient entre 400 et 900 € par an avec une obligation pour ses lauréats de travailler un certain temps dans le service public
(6) Le coût d'un étudiant de grandes écoles est dix fois plus élevé que celui d'un étudiant de premier cycle de premier cycle littéraire et juridique selon Jean-François Cyterman, Inspecteur de l'Education nationale, dans "Existe-t-il un modèle éducatif français ?" La revue de l'inspection générale, 2003 accessible sur http://media.education.gouv.fr/file/38/2/3382.pdf