la revue électronique de l'Institut de Recherche et d'Information sur le Volontariat (iriv) - www.iriv.net
« La meilleure des universités est une collection de livres.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Ecosse, 1795 – Londres, 1881).
L'institut de recherche et d'information sur le volontariat - iriv (www.iriv.net)
est un Institut privé qui travaille sur le bénévolat et le volontariat & l’éducation et la formation tout
au long de la vie. Créée en 2004 par Bénédicte Halba et Eve-Marie Halba, présidente et
secrétaire générale de l'iriv, la revue propose une réflexion sur des thèmes aussi variés que l'expérience, la promesse,
la différence, ou les confins... avec des témoignages venus de France, d'Europe et du reste du Monde.
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« The greatest university of all is a collection of books.»
Thomas Carlyle (Eaglais Fheichein, Scotland, 1795 – London, 1881).
The institute for research and information on volunteering (www.iriv.net)
is a private institute specializing in the non-for-profit sector in Lifelong Learning (LLL). It has directed,
coordinated, and been involved in many European and national projects. Its electronic review, les rives de l'iriv - www.benevolat.net -
was created in 2004 by Bénédicte Halba and Eve-Marie Halba, president and general secretary of the Institute.
The review has published articles on topics as various as experience, promise, difference or borders with contributions from France,
Europe and worldwide.
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dr Eve-Marie Halba, secrétaire générale de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv
Regarder est un mot d'origine germanique tiré de la racine *wardôn " regarder vers ", qui a donné ward en anglais, warten en allemand et esgarder en ancien français (1). Parmi tous les dérivés de garder (2), seul regarder a été conservé -le préfixe " re " indique le mouvement en arrière et en retour qui renforce l'idée d'observation intense. Le monde gréco-latin utilise d'autres racines. En grec, cinq verbes se concurrencent : blépô " jouir de la vue ", théômai " contempler ", théôréô " observer ", horaô " surveiller " et athréô " examiner minutieusement ". Le latin utilise specio et ses dérivés prospicio, despicio, circumspicio, respicio, ou specto ainsi que vereor " craindre, respecter ".
" Etre spectateur " et " préserver " sont les idées maîtresses qui émergent en latin, en grec et en germanique. Le regard protège celui qui est regardé. Quant à celui qui regarde, le regardeur (3), il invite au respect. Regarder signifie en effet " avoir l'œil sur ", " diriger sa vue vers ", " prendre quelque chose en considération ". Les emplois de garder sont généralement positifs : " préserver ", " prendre soin ", " conserver " ou " respecter ". Une seule acception radicalise l'idée de protection, " enfermer ", de " séquestrer ".
Contrairement à garder, regarder a rarement un sens positif sinon dans deux locutions verbales : regarder en face (signe de courage) ou regarder d'un bon œil (marque de bienveillance). Toutes les autres expressions sont péjoratives. En effet, le fait de regarder l'autre marque soit une attitude dominatrice qui dénote le mépris (regarder de haut) ou l'agressivité (regarder de travers, regarder sous le nez) ; soit l'attitude d'une personne peu affirmée donc hypocrite (regarder en dessous), circonspecte (regarder à deux fois) ou avare (regarder de près).
Regard a d'abord des acceptions abstraites : " attention ", " inspection ". Le sens de " contrôle administratif ", datant du XVème siècle, est repris dans droit de regard, attesté en 1932. L'expression figurée au regard de est très ancienne : elle remonte au XIIème siècle. On peut noter les deux emplois spécialisés de regard. En astrologie, le nom désigne, " une position d'une chose en face d'une autre " dont dérivent les locutions en regard (1811) et en regard de (1834). En termes techniques, le regard est une ouverture pratiquée dans une paroi d'appareil, une conduite souterraine ou une cavité en sous-sol. Il concurrence alors le mot jour.
Un regard n'est jamais innocent ni gratuit, c'est pourquoi le mot regardeur (3) " celui qui aime à observer ", est peu usité. Sans doute est-il considéré comme proche de mateur (4) ou de voyeur. Toute observation attentive est gênante, incommodante, voire pathologique. Mais regarder est aussi une action engageant tout un être, le regardeur devient alors le témoin d'un événement fort. Le photojournalisme n'est-il pas la preuve de l'importance d'un regard objectif sur le monde ?
Regards, qui fête cette année ses quatre-vingts ans, fut la première revue accordant une place prédominante aux reportages-photos, ce que reprit Life en 1936 ou Paris-Match en 1949 (5). Robert Capa et Henri Cartier-Bresson en étaient les photographes attitrés. L'artiste peintre Edouard Pignon (6) en assurait la mise en page et le photographe Willy Ronis (7) y publia ses premiers clichés. La force du regard est parfois aussi saisissante que le commentaire que l'on pourrait en faire (8). " Suggérer, c'est créer. Décrire, c'est détruire " affirmait Robert Doisneau tout en ajoutant avec espièglerie " quand on est prisonnier de l'image, cela vous donne toutes les audaces ".
(1) Le mot égard appartient à la même famille lexicale.
(2) Engarder, surgarder, pourgarder.
(3) Regardeur est attesté en 1278 dans les textes médiévaux mais est peu usité en français moderne.
(4) Rappelons que mater signifie à l'origine " tuer ", c'est un dérivé de mat (issu de l'arabe mât " mort") dans l'expression échec et mat.
(5) Voir le site www.regards.fr Clémentine Autain est actuellement la directrice de publication du nouveau Regards dont le rédacteur en chef est Rémi Douat.
(6) Edouard Pignon (1905-1993) est un peintre de la Nouvelle école de Paris, il fut l'ami de Picasso.
(7) Willy Ronis (1910-2009) appartenait au courant de la photographie humaniste.
(8) Curieusement, la célèbre devise de Paris Match " le poids des mots, le choc des photos " a fait long feu. En janvier 2008, l'hebdomadaire adopte la formule : "La vie est une histoire vraie".